Selon le CEA, le photovoltaïque a le « vent en poupe ». La France ferme pour sa part le Top 5 européen, avec 2,7 GW d’énergie solaire annuelle, servie par des opportunités multiples et par une évolution tant technique que législative.


Comment le photovoltaïque se structure en France
Un contexte économique favorable

La décollage de la filière solaire photovoltaïque française se situe en 2009. En dents de scie pendant plusieurs années, elle suit désormais la tendance européenne et suscite un intérêt croissant. Des acteurs déjà expérimentés à l’étranger décident désormais d’investir dans l’avenir de la filière au niveau du continent, comme la société de gestion d’actifs Ardian, qui gère plus de 150 milliards de dollars d’actifs. Après l’acquisition en 2016 de centrales photovoltaïques en Amérique latine et un portefeuille de 100 MW en Italie en 2022, Ardian est récemment devenu l’actionnaire majoritaire (75%) de GreenYellow, « 1er producteur d’énergie solaire de l’océan indien  » et experte de la production solaire photovoltaïque décentralisée et des services à l’énergie. Désormais valorisée à 1,4 milliard d’euros au sein du portefeuille d’Ardian, GreenYellow prévoit d’investir 400 millions d’euros annuels en photovoltaïque au niveau mondial, dont la moitié en Europe et plus particulièrement sur la péninsule ibérique.

Entre autres facteurs, la réouverture post-pandémie, la relance budgétaire et la guerre en Ukraine ont généré une inflation marquante. La menace d’une crise énergétique fait dès lors de la résilience une idée à l’ancrage croissant. Auprès du public, les projets solaires apparaissent de ce fait comme une solution appropriée pour économiser sur ses factures énergétiques. Comme le rappelle AMTC, spécialiste de l’écoconstruction pour les professionnels depuis 2013, un projet de loi relatif à l’accélération de la production d’EnR est en discussion. L’autoconsommation individuelle comme collective est de ce fait amenée à se développer. Pour AMTC, qui propose en outre du matériel photovoltaïque et travaille avec plusieurs acteurs du marché, cette tendance ne connaîtra pas de phase revers, en raison tant de la hausse des prix de l’énergie que du besoin en indépendance énergétique, auxquels il faut ajouter les aides publiques.

Le déploiement du solaire est par ailleurs facilité par la perspective d’une rente foncière pour les propriétaires de terrains inutilisés. Des entreprises comme Ferme Solaire proposent d’héberger une structure éponyme et d’ainsi « touche[r] une rente de 1000€ à 5500€/an par hectare sur 30 ans sans aucun investissement ». Qu’il s’agisse d’un plan d’eau, d’un hangar ou d’un terrain cultivé ou en friche, le propriétaire intéressé reçoit plusieurs offres (Engie, EDF, Total…), en sélectionne une, et commence à toucher un loyer « pendant 20 à 40 ans » une fois la centrale installée sur son terrain. Le facteur-clé est l’irradiance, « la quantité de rayonnement solaire », qui varie selon les régions. Il s’agit ici de s’assurer un revenu complémentaire sur le long terme au travers d’un bail emphytéotique. En sus de ces opportunités, l’écosystème du photovoltaïque connaît des évolutions, techniques comme législatives, qui renforcent son implémentation.

Des évolutions techniques et politiques

Le CEA note la convergence de plusieurs éléments moteurs pour asseoir sur le long terme le marché du solaire photovoltaïque. La rapidité de déploiement des panneaux en est un, ce qui préserve le marché de mises en tension. Cet élément décisif a permis à la France de connaître, pour les années 2021 et 2022, un saut qualitatif notable des nouvelles capacités annuelles de son parc photovoltaïque, en parallèle de la constance de sa puissance totale installée et de sa production d’électricité par l’énergie solaire.

Dans la continuité du CEA, Ferme Solaire rapporte qu’outre les étapes classiques de lancement d’un projet (étude d’impact environnemental, permis de construire…) qui peuvent s’étendre sur deux à trois ans, un chantier dure en temps normal « six mois maximum ». De quoi séduire les particuliers mais aussi les entreprises. Une entrevue avec le PDG de Silicéo rappelle en effet que depuis octobre 2021, la réglementation fournit aux sociétés la possibilité tant de consommer que de vendre l’électricité qu’elles produisent, un facteur attractif en période d’incertitude et d’inflation du prix de l’énergie.

L’évolution technologique est un autre facteur du développement photovoltaïque au niveau national. Deux avancées sont particulièrement notables. La première s’articule autour des progrès du numérique, qui peuvent notamment, selon Marion Calcine et Simone Tonon du fond Infrastructure d’Ardian, anticiper sur les besoins au moyen d’une maintenance prédictive dès le début de l’installation. Par ailleurs, ces outils sont capables de fournir des prévisions plus précises pour limiter l’intermittence, rendre le réseau plus stable et dès lors renforcer la capacité de résilience. Enfin, le numérique apporte « de meilleures prévisions de prix qui aident les producteurs à voir les fenêtres les plus attrayantes du marché ». La seconde avancée porte sur le facteur de charge. Selon Statista, il s’élevait en France, en 2021, à environ 16% pour la meilleure région (PACA). Mais d’après le CEA, les cellules de nouvelle génération accroissent le rendement, avec la nouvelle cellule dite tandem (silicium et matériau organique) : la conversion du soleil en électricité atteint alors jusqu’à 23%, avec des perspectives à venir qui excèdent les 30%.

Enfin, le monde politique lui-même soutient activement le développement du marché photovoltaïque. Le ministère de l’Économie et des Finances a implémenté plusieurs dispositifs, comme l’obligation d’achat, la prime à l’autoconsommation photovoltaïque ainsi qu’un taux de TVA réduit. Plus récemment, le Gouvernement a poursuivi sur des mesures à mettre en œuvre. En effet, de la coopérative agricole marnaise de Cérèsia (Silicéo) au circuit automobile de Magny-Cours (GreenYellow-Ardian), l’installation d’ombrières photovoltaïques répond par exemple actuellement à une demande libre.

Mais dans un proche avenir, le projet de loi sur l’accélération des énergies renouvelables envisage de rendre obligatoires de telles installations pour tout entrepôt et parking de plus de 1 500 m². Par ailleurs, en mars 2023, un amendement voté dans le cadre du projet de loi sur les EnR prévoit de faciliter l’installation de panneaux photovoltaïques dans les copropriétés. En résumé, l’ensemble de l’écosystème du photovoltaïque promet à cette énergie une part toujours plus importante dans le mix énergétique national.