Économies d’énergie : un thème porté par les candidats à la mairie de Paris ?
Climat, écologie et énergie font partie intégrante des enjeux de société. À une semaine des élections municipales de mars 2020, les principaux candidats à la mairie assurent se montrer soucieux de cette problématique. Les propositions restent cependant clairsemées et peu concrètes. Enjeu pourtant central pour la planète, les économies d’énergie illustrent cet état de fait. Paris fait des efforts, mais ne figure pas parmi les excellents élèves tandis que d’autres villes ont mis en œuvre des initiatives effectives.

Entre société civile et candidats, le fossé

L’écologie s’est solidement ancrée dans les agendas politiques comme chez une frange notable de la population française. Les COP successives, l’implication de personnalités et la médiatisation des travaux du GIEC y ont contribué. Plus récemment, l’émergence de Greta Thunberg a continué de paver le chemin pour la prise en compte de ces problématiques ­(pensons au flygskam né en Suède, pays de Thunberg, boycott). D’autres initiatives s’y sont rapidement adjointes, telles que la Marche pour le Climat de février 2019 ou l’apparition du mouvement Extinction-Rébellion, par ailleurs soutenu par Anne Hidalgo. Cette dernière a d’ailleurs affirmé, dans le cadre de son investiture aux municipales de 2020, que son « socle c’est l’écologie ». Parmi les enjeux de cette vaste thématique, les économies d’énergie, pourtant essentielles à un système résilient et soucieux d’atteindre la neutralité carbone, font parfois figure de parent pauvre dans le programme de la plupart des candidats aujourd’hui en lice.

Les économies d’énergie sont souvent abordées sous le prisme exclusif du logement. L’alliance un temps évoquée entre l’écologiste David Belliard et le candidat LREM dissident Cédric Villani proposait de financer un plan de rénovation énergétique de 40 000 copropriétés privées (contre 3 200 à ce jour) pour réaliser des économies d’énergie. En octobre 2018 déjà, ce dernier s’était prononcé sur l’utilisation du levier de la Smart City et de la technologie à cette fin. Le 18 septembre 2019, dans la perspective des municipales, Benjamin Griveaux avait installé un conseil de l’urgence climatique, destiné à fournir chaque semaine une proposition notamment sur « le logement ou la rénovation énergétique ». Encore flou sur le sujet, l’UDI Pierre-Yves Bournazel, rallié à Benjamin Griveaux avant son retrait spectaculaire, avait en 2018 posé une question au gouvernement sur les logements passifs et les éco-quartiers. Il y soulignait le primat de la rénovation thermique et de la déperdition d’énergie, « véritable enjeu écologique et environnemental ». Danielle Simonnet, candidate LFI, se montre plus radicale et défend des bâtiments en tourbe ou encore les toitures végétalisées. Rachida Dati n’a quant à elle pas émis de proposition sur les économies d’énergie. Pour autant, en dépit de ces idées éparses et qui donnent davantage l’impression de venir en appoint que de constituer un objectif profond, des initiatives municipales existent déjà, tandis que d’autres, mises en place ailleurs avec succès au moyen de la technologie, pourraient être expérimentées.

Des initiatives intéressantes, mais un potentiel sous-exploité

À Paris, l’économie énergétique se déploie depuis plusieurs années au travers d’organismes et d’initiatives diverses. Côté structures, pour appuyer la mise en œuvre de son Plan Climat, la ville a de ce fait créé l’Agence Parisienne du Climat, structure opérationnelle dédiée au climat et à l’énergie. Elle accompagne ainsi les copropriétés « dans leurs travaux d’efficacité énergétique ». Membre du réseau des espaces FAIRE, elle conseille et informe également les Parisiens « sur les économies d’énergie, la performance thermique, les aides financières ou la méthodologie d’un projet de rénovation ». Niveau dispositifs, la municipalité a implémenté la supervision énergétique de 1 500 bâtiments publics de la ville, permettant d’obtenir 7% d’économies d’énergie annuelles. Sur le plan des ressources exploitables et efficientes, Paris promeut progressivement les énergies renouvelables, à l’instar de l’autoconsommation en énergie solaire intégrée au Plan local d’urbanisme de la ville, mais aussi, à terme, de la géothermie et des énergies de récupération, génératrices de chaleur. Mais si ces idées sont encourageantes, elles restent paradoxalement en-deçà des outils technologiques dont on peut attendre que la capitale d’un pays comme la France soit dotée.

Quatre exemples notables peuvent être mis en lumière. La Smart City en constitue le premier. Sur le plan international, Paris, classée 51e ville mondiale en la matière en 2019, est sur ce point très largement devancée par Lyon, 23e. Or les smartgrids, qui permettent aux usagers de réguler leurs pics de consommation et à la ville d’optimiser en temps réel les flux d’électricité régulant l’énergie, sont absents des propositions des candidats aux municipales parisiennes.

En deuxième lieu, l’éclairage public, aujourd’hui rendu plus performant et économe grâce à la technologie LED et à l’intégration de capteurs de présence et de dispositifs de télégestion modulant l’intensité lumineuse, est également ignorée. La ville de Copenhague a pourtant réduit de 55% sa consommation électrique avec l’aide d’un géant français de l’éclairage public. Une initiative que la « ville lumière » pourrait bien mettre en œuvre de manière industrielle (des dispositifs de télégestion existent aujourd’hui à titre expérimental) à l’occasion du renouvellement du contrat pour l’éclairage public qui doit avoir lieu au premier semestre 2020.

À Singapour, première smart city au monde, la ville implique directement les citoyens pour réaliser ces économies : les factures de gaz et d’électricité précisent les consommations moyennes du quartier pour permettre de les comparer aux autres.

Les objets connectés enfin, avec un marché en pleine expansion, permettent de relier entre eux les bâtiments, appelés Smart-Buildings : des capteurs – connectés avec des technologies comme la LoRaWaN – disposés dans des endroits déterminés en fonction des données à collecter, analysent la consommation en eau, gaz, électricité et la température du bâtiment, afin « d’optimiser la consommation ». Somme toute, de nombreuses possibilités existent, mais semblent encore trop souvent négligées par la plupart des candidats à la mairie de Paris. Un manque d’ambition qui pourrait influencer le cours des élections.